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Il est des trésors sur lesquels il est bien difficile de veiller. Ville à haute densité patrimoniale, Tournai se démène depuis des années pour sauvegarder ses joyaux. Il y a, bien sûr, la cathédrale Notre-Dame, chef-d’œuvre de l’Unesco, pour laquelle la Ville a déjà englouti 30 millions d’euros de fonds publics pour rénover à peine la moitié de l’édifice. On sait déjà qu’il en faudra au moins autant pour achever le travail. Ce budget-là n’est pas encore bouclé que les autorités communales se lancent dans un autre projet tout aussi ambitieux et tout aussi coûteux : la rénovation et l’extension du musée des Beaux-Arts à hauteur… de 20 millions d’euros.

Fou ? Démesuré ? Il n’est pas interdit de rêver. L’ambition et l’audace des autorités tournaisiennes auraient sans doute plu à Victor Horta, qui a légué à la ville ce que les spécialistes considèrent comme une de ses plus belles réalisations : un musée unique en son genre. Inauguré en 1928 au départ de la collection du mécène Henri Van Cutsem, le musée abrite la collection de peintures, dessins et sculptures la plus importante de Wallonie (XIV e -XIX e siècle), reconnue comme l’une des cinq les plus importantes de Belgique. Seul musée jamais conçu en tant que tel par l’architecte Victor Horta, le bâtiment, de plan fort original en forme de « tortue », offre un exemple intéressant de transition entre l’Art nouveau et le modernisme d’inspiration « art déco ». Il est intégralement couvert des verrières si chères à Horta, ce qui lui offre une luminosité exceptionnelle, mais qui constitue aussi son principal défaut. Le musée ne répond plus aux normes d’isolation, d’éclairage, de sécurité inhérentes à un musée moderne. Les toitures de verre et de zinc sont en très mauvais état et ne garantissent plus des conditions de conservation minimales si bien qu’à peine 5 % des collections du musée sont exposées. Bref, la rénovation du musée des Beaux-Arts est une Arlésienne à Tournai tant on en a parlé sans jamais la voir se concrétiser.

La présentation offerte ce lundi est donc une avancée majeure dans ce dossier même si rien n’est acquis. En effet, les autorités communales, l’institut du patrimoine wallon (IPW) et la cellule « Architecture » de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont présenté le lauréat du concours d’architecture qu’ils avaient lancé pour esquisser les contours de cette rénovation. Au terme de celui-ci, c’est à l’équipe de Xaveer De Geyter Architects qu’a été attribué le marché, en août 2016. Celle-ci s’est distinguée entre les 47 candidats en proposant un projet à la fois respectueux de l’œuvre de Horta et à la fois ambitieux, qui tranche avec la situation actuelle. «Nous proposons d’organiser toute l’exposition qui nécessite un contrôle de température, d’hygrométrie ou de luminosité avancée dans un bâtiment plus adapté qui est la nouvelle extension, explique Xaveer De Geyter. Simultanément, les espaces centraux du bâtiment sont transformés en espaces publics, accessibles aux citoyens et programmés de manifestations non muséales. » En réalité, l’actuel bâtiment Horta n’abriterait plus que des sculptures dans les ailes du bâtiment où elles supporteront plus facilement les effets d’échauffement. Les capacités d’exposition du musée seraient doublées et concentrées dans l’extension qui compte également un bâtiment à quatre niveaux qui permettrait d’avoir une vue plongeante sur le musée, sa forme particulière et ses toits de verre incomparables.

Pour les architectes, adapter le bâtiment actuel aux normes modernes d’un musée aurait nécessité d’impacter trop profondément l’œuvre de Horta et la symétrie qui la caractérise. Ils ont donc décidé de la préserver au maximum et c’est ce qui a retenu l’attention du jury. Reste maintenant à concrétiser les plans et à trouver les fonds pour lancer le chantier. « C’est ce à quoi nous allons nous atteler, assure Rudy Demotte, bourgmestre de Tournai. Nous allons réfléchir à un plan de financement et activer tous les leviers possibles pour y parvenir comme nous l’avons fait pour la cathédrale. »

L’architecte estime qu’il faudra cinq ans pour réaliser ce vaste chantier. Il en faudra au moins autant pour trouver l’argent et faire en sorte que ce projet ne soit pas qu’un beau dessin.