« Je passe d’heureux moments en construisant d’horribles monstres »
James Ensor
Alors qu’on célèbre les 75 ans de sa disparition, nous avons rêvé de rencontrer James Ensor pour lui faire évoquer ses « Racines élémentaires ». Impossible évidemment… sauf en plongeant dans ses très nombreux écrits pour en extraire de pétillantes déclarations, affectueuses, courroucées, amusées ou belliqueuses sur sa famille, ses amis et ses ennemis.
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Entretien
« J’ai passé mon enfance entouré de curiosités de la mer »
James Ensor contemplant ses masques. - D.R.
L’enfance de James Ensor façonna l’homme qu’il allait devenir, tant par son admiration pour son père que par sa vie quotidienne dans les magasins de souvenirs de la famille. Il se créa par la suite une seconde famille à travers son amitié profonde avec les Rousseau.
Né le 13 avril 1860, James Ensor est décédé le 19 novembre 1949. On célèbre donc, cette année, les 75 ans de sa disparition. A cette occasion, de nombreuses expositions à Ostende (sa ville natale), Bruxelles (où il étudia et vécut) et Anvers permettent de le redécouvrir. Nous avons voulu vous proposer ses « Racines élémentaires » en nous plongeant dans ses très nombreux écrits. Voici donc, extrait de ceux-ci, ce qu’il aurait pu nous répondre si nous avions eu la chance de le rencontrer.
Vous ne seriez pas celui que vous êtes devenu si…
Si je n’avais pas rencontré Mariette Rousseau. La rencontre capitale de ma vie, à 21 ans, une femme d’esprit, mère et mariée, pas belle, savante et frivole, alliant les fuites, les échappements de vapeur, crises d’humeur propres au sexe ventru bassine couperosé à la gravité la plus masculine, un esprit d’à-propos peu commun. Jamais je n’oublierai les bas/dessous verts de cette femme ni son besoin d’aimer ni les moustaches nobles de son époux à sursauts.
Qu’avait-elle de si particulier ?
Amour et bonté qui fait leur devise me lancèrent des pôles de la raison à l’équateur de mes sens exacerbés/de ma sensibilité. Amitié des sens et les émotions les plus crues nécessaires aux peintres.
Cette rencontre qui vous marqua en tant qu’homme et en tant qu’artiste était due au hasard ?
Oui, rencontre fortuite, secousses/émotions nécessaires à l’épanouissement de mon art/les émotions bienfaisantes combien nécessaires à l’épanouissement de mon art. Ces rayons surchauffèrent l’équateur de mes sens/désirs/pensées, les tropiques de mes sens…
Mariette était l’épouse d’Ernest, professeur de physique devenu recteur de l’Université libre de Bruxelles. Avec leur fils, Ernest, ils sont un peu devenus votre famille bruxelloise. Si les Rousseau vous ont souvent accueilli chez eux, ils vous ont aussi rendu visite à Ostende. Quel souvenir en gardez-vous ?
Nous avons beaucoup regretté les heures heureuses passées avec eux. Nous nous rappelons surtout les délicieuses promenades dans les dunes pouvant rivaliser avec les excursions joyeuses ou trempées à Groenendael et Tervueren.
Cette amitié avec les Rousseau englobait également toute votre famille. Votre sœur Mitche correspondait régulièrement avec Mariette et votre mère échangeait beaucoup avec eux. Vous avez été très touché lorsqu’ils ont envoyé un bouquet de fleurs à votre adresse…
Ma mère et famille ont été agréablement surprises en recevant les belles fleurs ; ma mère surtout a été vivement touchée.
Votre mère, justement, a aussi eu une influence déterminante sur votre œuvre, particulièrement en raison de son travail…
Ma mère, fille de marchands de coquillages d’Ostende, continua le commerce de ses parents et j’ai passé mon enfance dans la boutique paternelle entouré de curiosités de la mer et des splendeurs des coquilles nacrées aux mille reflets irisés et des squelettes bizarres, des monstres et des plantes marines. Ce voisinage magnifique, les couleurs, cette opulence de reflets et de rayons contribuèrent, certes, à faire de moi un peintre amant de la couleur et sensible aux jeux éblouissants de la lumière.
Et votre père ?
C’était un homme de grand savoir, parlant plusieurs langues. Remarquablement beau et d’une force prodigieuse. Il avait le front élevé et sa personne était empreinte de majesté. Il m’a toujours inspiré une sorte de respect craintif. C’était vraiment un homme supérieur. Ses connaissances étaient multiples. Ses aptitudes musicales extraordinaires. Il avait fait de bonnes études aux universités d’Heidelberg et de Bonn. Les questions scientifiques les plus compliquées lui étaient familières, les calculs les plus difficiles étaient pour lui des jeux d’enfants. C’était un parfait gentleman.
Pourtant, il n’a pas toujours été jugé à sa juste valeur et votre relation d’amour/haine avec les Ostendais est en grande partie due à cela…
Ses projets trop vastes et au-dessus de la compréhension des bourgeois doctrinaires de cette époque ne furent pas goûtés et surtout dénaturés et toutes ses grandes visées et ses projets élevés furent contrecarrés. Profondément froissé à la longue par l’attitude du public ostendais composé à cette époque en majeure partie d’hôteliers enrichis, brasseurs, armateurs, négociants exploiteurs, actuellement ennemis de tout progrès en innovation, mon père préféra s’isoler complètement et rechercha plutôt dans la suite la société des humbles.
En 1885, alors que vous êtes rentré à Ostende, votre père est victime d’une agression qui vous marque fortement. Que s’est-il passé exactement ?
Trois agents de police l’ont trouvé baigné de sang, à moitié assommé, la barbe et les moustaches coupées, tonsuré comme un prêtre, etc. Ils l’ont mené à la maison. Le malheureux était horriblement massacré. Nous avons dû veiller toute la nuit. Le lendemain, le médecin l’a fait conduire à l’hôpital. Il y restera longtemps le pauvre homme. En le portant à sa chambre, il nous a couverts de son sang. C’était un spectacle horrible. Le sang tombait de la hauteur de l’escalier sur la tête de Mitche.
Comment cela lui était-il arrivé ?
D’après les indications qu’il nous a données, ces scènes ignobles se seraient passées dans un café, après un souper. On aurait commencé par l’enivrer, puis on l’a tonsuré et finalement blessé grièvement. Il ne se souvient pas bien de ce qui s’est passé après. Il a désigné les auteurs de ces actes ignobles. Ce sont deux jeunes gens d’une trentaine d’années, très connus en ville et que nous connaissons fort bien. L’un d’eux venait même souvent me voir à l’atelier.
Comment votre père a-t-il réagi à cette mésaventure ?
Les blessures de mon père sont très graves. Il a la tête littéralement hachée de coups de rasoir et une plaie très profonde à la nuque. Malgré l’atrocité de l’action, les coupables resteront peut-être impunis. Un envoyé du commissaire de police est allé voir mon père à l’hôpital. Celui-ci a eu la faiblesse de ne pas vouloir de poursuites.
Il semble que vous en ayez gardé un fort ressentiment vis-à-vis des Ostendais…
L’affaire fait grand bruit à Ostende. Les brigands, qui ont arrangé comme cela mon père, sont de bonne famille. Ils passaient tantôt devant chez nous en riant aux éclats, les brutes ! Voilà le public ostendais.
Comment ce public accueillait-il votre peinture ?
Les Ostendais, public huîtreux, ne bougent pas, ils ne veulent voir la peinture. Public hostile rampant sur champ de sable, l’Ostendais déteste l’art. Vesses gluantes tournoyant dans une moule, avaleurs de choses immondes, calmars inconsistants et bourdonnants. L’année passée, trente Ostendais ont visité l’exposition. Cette année, nous arrivons au chiffre trente et un.
En 1887, la mort de votre père vous a fortement marqué…
Je vois toujours mon pauvre père. Je maudis âprement la populace d’Ostende. C’est par elle qu’il est mort. Je l’ai connu si intelligent et si beau. Si j’ai quelque qualité ou talent, c’est de lui que je les tiens. Cependant, je l’ai beaucoup négligé. Sa vie a été un martyre continu. J’espère qu’il est maintenant plus heureux. Je ne peux vous parler le langage de tous les jours. La mort d’un père change singulièrement les pensées et fait croire fermement à plus de bonheur dans une autre vie.
C’est, en fait, toute votre famille qui a eu une influence sur votre univers artistique…
Je pourrai vous donner des renseignements plus étendus sur mon enfance et ma famille. Un détail pittoresque à noter. Mes grands-parents tenaient à Ostende, rue des Capucins, une boutique de coquillages, dentelles, poissons rares empaillés, vieux livres, gravures, armes, porcelaines de Chine, un fouillis inextricable d’objets hétéroclites toujours bouleversé par plusieurs chats, des perroquets à la voix assourdissante et un singe. J’y ai passé de longues heures en compagnie du singe et des perroquets et des chats. Le magasin fleurait le moisi et l’âcre pipi du singe remplissait les coquilles et les chats marchaient entre les dentelles les plus précieuses. Cependant, cette singulière boutique était fréquentée durant la saison balnéaire par les étrangers les plus distingués.
Vous vous amusiez avec votre grand-mère ?
Ma grand-mère m’affublait souvent de costumes bizarres, aussi son singe, elle l’habillait soigneusement. Elle lui avait appris cent tours, ce méchant animal, la terreur des voisins, l’accompagnait dans toutes ses promenades.
Peut-on dire qu’elle a influencé votre goût pour les masques et les fêtes populaires auxquelles vous avez participé plus tard, à Bruxelles notamment ?
Elle adorait les mascarades. Je la vois encore pendant une nuit de carnaval dressée devant mon petit lit. Elle était costumée en paysanne coquette et son masque était affreux. J’avais peut-être 5 ans, elle en avait plus de 60.
Vous auriez pu reprendre la boutique familiale. Quand avez-vous senti le besoin de vous exprimer par d’autres moyens ?
Le goût de la peinture me vint vers les treize ans ; alors, deux vieux peintres d’Ostende, Van Cuyck et Dubar, saumurés et huileux, m’initièrent professoralement aux poncifs décevants de leur métier morne, borné et mort-né.
Pourtant, vous avez persévéré ?
Dès l’âge de 13 ans, je fus invinciblement attiré vers la peinture. Mes premiers paysages datent de cette époque. Quelques-uns furent montrés au beau Louis Dubois. Il me prédit un bel avenir artistique. En 1877 j’entrai à l’Académie de Bruxelles dirigée alors par Jean Portaels. Mes premiers dessins furent très admirés des professeurs et je remportai un second prix de dessin d’après Tête antique. Mes peintures furent moins goûtées. Mes sincères études de paysages m’avaient fait rechercher l’air ambiant et déjà je pressentais l’importance de la lumière. Les recherches neuves déplurent aux professeurs et bientôt, je n’ai jamais bien su pourquoi, je passai pour un révolutionnaire incorrigible.
Plus étonnant, vous avez eu des relations compliquées mais finalement assez riches avec… des araignées qui vous avaient attaqué en forêt tandis que vous dessiniez. Comment vous en êtes-vous sorti ?
Les araignées ayant eu conscience de ma supériorité se résignèrent à porter mon parapluie et mon chapeau. Et même me servirent d’escorte afin d’écarter les passants indiscrets m’empêchant de dessiner.
Et qu’advint-il de l’araignée géante qui vous avait attaqué ?
Depuis ce jour, je l’ai portée dans mon plafond !
Chapitre 3
Chapitre 3
Goya, Balzac et les autres
Parmi les peintres, vous avez notamment été marqué par Courbet lors d’une visite à Lille…
J’ai vu le musée. Il m’a étonné. Il y a là de magnifiques paysages de Jordaens. Jordaens est superbe à Lille. Il y a des paysages avec chevaux. C’est splendide, cela, et meilleur que ses toiles de Bruxelles. Courbet m’a stupéfié, son Après-dînée à Ornans est un chef-d’œuvre – sans exagérer –, cela vaut Rembrandt. Millet et Corot deviennent bien malades à côté. Ils m’ont désillusionné rudement. Je les ai trouvés pleurnichards, chercheurs de style, ayant des prétentions à la naïveté et, au fond, roués comme des académiciens. Millet n’a pas le sentiment de la couleur. Corot a trouvé quelques petits tons de gris assez fins mais pas vrais, il dessine les arbres avec de vilains contours bistrés absolument faux et francisés ou chiqués. C’est à cent lieues de Courbet. A propos de Courbet, je ne veux plus regarder de Courbet chez les marchands de Bruxelles (à l’époque, de très nombreux faux Courbet circulent à Bruxelles, NDLR). Les gredins les fabriquent sans honte et le pauvre peintre porte tout cela sur les reins. Je suis content de l’avoir vu à Lille. Je le connais bien maintenant. C’était un grand artiste.
Goya vous a impressionné également lors de cette visite lilloise…
Les chefs-d’œuvre du musée sont les Goya. J’ai vu de lui : Le Supplice du Garrot. Un homme étranglé, grimaçant horriblement, sur un échafaud. Dans le fond, un ciel orageux, menaçant, magnifique. Devant, la foule agitée. Tout cela merveilleusement peint et d’un effet saisissant. Encore de lui : Les Vieilles. Deux vieilles filles en costume de bal se regardant devant un miroir. Jamais je n’ai vu de figures plus affreuses. Elles m’ont impressionné vivement. Je trouve Goya grand peintre.
Aujourd’hui, on admire vos petits dessins de silhouettes croquées en quelques traits ou vos tableaux inachevés. Contrairement à d’autres artistes qui considèrent cela comme indigne, vous avez toujours apprécié, chez les autres, ces éléments de travail…
Je trouve qu’on a tort de regarder les tableaux complets ou achevés, ou plutôt, les grandes toiles des maîtres anciens. Je vois que ces grandes machines sont souvent peintes par des élèves de l’artiste, aidés peut-être par les ouvriers décorateurs, cela explique l’inégalité des anciens. Il vaut mieux, je crois, regarder les portraits, esquisses, dessins croquis et œuvres moins travaillées, mais faites entièrement par le maître.
En 1884, vous présentez plusieurs tableaux au Salon triennal de Bruxelles. Plusieurs y sont refusés. Comment le vivez-vous ?
Voyez-vous la stupidité de ces gens qui, comme de vieilles chouettes, sont éblouis par un peu de lumière vraie ! Heureusement que je me connais et que toutes ces sottises glissent sur moi et me laissent debout. Je m’attendais à cela. Nous répondrons à ces exclusions téméraires par une exposition au Palais des Beaux-Arts, par une exposition au Cercle artistique, puis nous ferons refuser au XX tous les invités belges. Où sont les intransigeants ? Ce sont les membres de la commission, n’est-ce pas ? Ils nous refusent notre place au soleil. Il faut bien que nous la prenions.
A l’époque des premières expositions de vos œuvres au Salon des XX, certains critiques ne vous épargnent pas…
J’ai vu l’article de Lemonnier : il est drôle mais ne vaut pas celui de Lagye. Je l’ai copié à Ostende et envoyé aux Rousseau, convaincu que ces énormes stupidités les réjouiraient.
Durant toute cette période, vous vous adonnez aussi à une activité inattendue : vous pratiquez l’escrime avec un maître d’armes…
Je deviens d’une jolie force en escrime, bien souvent je touche le maître. Prochainement, je commencerai à tirer au pistolet. J’espère réussir comme à l’épée. Alors, il ne faudra pas me regarder de travers.
C’est peut-être pour cela que certains ont préféré vous attaquer par courrier, anonymement ?
J’ai trouvé à la maison des cartes postales anonymes venues de Bruxelles avec des tas d’injures. On me traite de croûte, peintre blanchisseur, décorateur faisant le bois et le marbre ainsi que les décorations. Puis : « On demande bon ouvrier décorateur. S’adresser chez Van Hoeck, 21, rue de la Ferme, Bruxelles. » Toutes ces bêtises m’ont rempli de satisfaction.
Si le dessin et la peinture vous ont beaucoup occupé, vous avez aussi composé, joué de l’orgue et surtout, énormément écrit. Quels furent vos modèles en ce domaine ?
J’ai voulu acquérir ce qu’on appelle « Style ». Je copiais des lettres de Flaubert à G. Sand. Je trouve son style très bref. Il ne met presque jamais de virgules. Malgré ça il est très profond et se fait bien comprendre (par moi).
Et en dehors de Flaubert ?
Je me suis plongé dans des lectures romantiques. J’en suis encore gorgé ! Ma sensibilité s’aiguise, un tas de choses insignifiantes me font souffrir. Quand je serai vieux, je ferai de la critique. Cela me soulagera car j’étouffe d’opinions rentrées.
J’ai aussi trouvé un livre qui m’intéresse vivement : Les Conversations de Goethe. (…) Il paraît que Goethe est un peintre raté. C’est pour cela sans doute qu’il s’est mis à écrire. Cela ne l’a pas empêché de préférer le dessin à la parole et à la lecture. Son livre m’a profondément contenté.
Edgar Alan Poe fait également partie de votre panthéon, de même que Balzac dont vous estimez qu’il dépasse largement Flaubert…
J’admire le style de Flaubert et son érudition mais malgré tout son tapage maladif, qu’il est loin de Balzac. Voilà un génie, un vrai entièrement personnel, un fort, un artiste et je trouve que Flaubert n’est même pas digne de lui lécher les bottes.
Chapitre 4
« Hostilité sénile, bravade simiesque et rage maladive »
L’un des plus célèbres tableaux de James Ensor: « Squelettes se disputant un hareng fumé ou hareng saur (L’art Ensor)», peint en 1891. - J. Geleyns - Art Photography
Très attaché aux siens, famille et amis, Ensor était aussi capable d’éruptions soudaines et de logorrhée assassine lorsqu’il évoquait ceux qui rejetaient son travail.
Si, avant cette rencontre imaginaire, on nous avait décrit James Ensor comme un homme solitaire, proche de la misanthropie et prompt à critiquer les uns et les autres, c’est finalement un personnage assez touchant, trouvant difficilement sa place en ce monde, malgré son succès, que nous avons découvert. Quant à son côté belliqueux, il ne s’est manifesté que lorsqu’il parlait des Ostendais (avant que ceux-ci ne le célèbrent dans ses vieux jours) et surtout vis-à-vis du monde de l’art où certains l’on durement rejeté. Il pouvait alors se laisser aller à des fantasques diatribes dont voici un exemple haut en couleur.
Le rejet de votre peinture par certaines autorités académiques vous blesse-t-il ou dope-t-il votre créativité ?
Réflexion faite, je préfère ne voir dans ces agissements de vieillards en délire qu’une hostilité sénile, bravade simiesque, rage maladive portée à toutes les extrémités, haine invétérée et impuissante du bourgeois contre l’artiste. Fiel venimeux, bave infecte. Profonde fausseté, calomnie dans l’ombre. Complots abjects. Conciliabules écœurants et sournois. Bonzes gonflés d’orgueil et de sottises. Ineptes commérages. Scorpions blessés. Coups lâches portés dans l’ombre… Lèche-bottes. Cancans de vieilles lavandières. Rats aux yeux luisants installés dans un fromage. Termites surexcités. Proconsuls constipés. Filous souriants. Bandes se concertant, etc., etc. En voilà ! assez dit !
Chapitre 5
« La solitude et le repos »
James Ensor sur la plage d’Ostende. - D.R.
Vous avez connu à plusieurs reprises des ennuis de santé. Des médecins ont notamment diagnostiqué de la dyspepsie. A quoi attribuez-vous cela ?
J’ai regardé dyspepsie dans le dictionnaire Larousse. J’ai vue : « Dyspepsie : provient du défaut d’exercice, de vie solitaire sans distraction, d’ambition, déçue, est très commune parmi les prisonniers », etc., etc.
Aujourd’hui, comment allez-vous ?
Moi, je vais bien. De mon appendicite pas de traces et j’ai repris ma vie normale. Des confrères et amis ostendais et étrangers m’ont offert un banquet cordial et amusant. Cela m’a réconforté. L’administration communale d’Ostende m’a offert une montre, mes confrères une bague. Une rue d’Ostende portera mon nom. Je travaille encore avec plaisir…
Souvent, je pense longuement aux années passées, aux belles promenades avec (Mariette) dans la forêt et devant la mer, aux randonnées, à la recherche des champignons, au délicieux pays de la Meuse. Oui, j’aime penser à ma chère amie et aux belles journées d’il y a quarante ans.
L’Ostende de votre enfance vous manque-t-elle ?
Les misérables Ostendais ont abîmé leur beau pays, ils ont nivelé les dunes superbes et le petit bois charmant et mystérieux se transforme en un parc banal et étroniforme. Tout s’est bouleversé et les gens ont vieilli et enlaidi.
Est-ce ce qui vous pousse à créer des tableaux pleins de masques, squelettes et autres monstres ?
Je travaille à des scènes infernales diaboliquement séduisantes. Je passe d’heureux moments en construisant d’horribles monstres bons et extravagants se promenant paisiblement dans une ville étrange au grand effroi des gardes civiques, gendarmes et bourgeois doctrinaires.
Finalement, la peinture n’a-t-elle pas toujours été pour vous une sorte de sacerdoce et un refuge face à un monde qui ne vous comprenait pas ?
Je sens bien que pour faire de belles choses durables, aucune distraction n’est permise, aucune heure ne doit être perdue pour l’art et ce n’est qu’en observant strictement ces difficiles conditions qu’on a quelques chances de réussir ou de surnager.
Je dois vous dire aussi que toute querelle ou discussion a sur moi des effets désastreux et que mon excessive impressionnabilité, résultat d’une grande tension d’esprit, me fait cruellement souffrir au contact de caractères hostiles, rebelles ou peu sensibles et c’est pour cette raison que je cherche la solitude et le repos.
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